Aujourd’hui, deux régimes d’imaginaires se confrontent : l’imaginaire « illimitiste » associé à la croissance infinie et celui de l’effondrement associé à la décroissance.
Le premier peut prendre forme dans le récit consumériste (« je consomme donc je suis »), qui considère la consommation comme la clé du bonheur, bien souvent au détriment des écosystèmes et de la dignité humaine. Les études les plus sérieuses sur ce sujet démontrent pourtant que la qualité de nos relations sociales est en réalité le premier facteur de notre bonheur[1]. Cet imaginaire est aussi nourri par les récits de la croissance infinie, du progrès et du « techno-solutionnisme », croyance par laquelle la technique permettra de résoudre les crises planétaires (« on n’arrête pas le progrès », « les solutions techniques vont nous sauver »). Pourtant, l’effet rebond nous montre que la réduction de l’empreinte négative sur l’environnement d’un produit ou service grâce à un progrès technique est toujours partiellement ou complètement compensée par l’augmentation de son utilisation. Par exemple, l’acquisition d’une voiture moins polluante peut inciter le consommateur à conduire davantage, et donc finalement polluer plus.
Cependant, nous avons du mal à voir au-delà de l’histoire qu’on se raconte, à percevoir d’autres chemins possibles. Nous sommes comme prisonniers des récits actuels, qui nous maintiennent dans une forme d’inaction. Malgré ces difficultés et face aux nouvelles réalités qui se présentent à nous, un autre grand imaginaire émerge depuis plusieurs décennies : celui de l’effondrement et de la décroissance.
Face à la diminution des ressources, au dépassement des limites planétaires (concept défini par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre) et l’accroissement des inégalités, de nombreuses personnes prennent conscience de l’urgence de décroître nos consommations matérielles et de mieux répartir les richesses. Néanmoins, cette décroissance renvoie aujourd’hui à un imaginaire d’effondrement, qui promet un futur pour le moins apocalyptique et laisse présager la fin potentielle de l’humanité. Or, bien qu’il rende visible les limites de l’idéologie dominante, cet imaginaire inhibe et sidère une majeure partie de la population. En d’autres mots, il ne permet pas de mettre en mouvement l’ensemble de la société pour relever ces défis car la décroissance n’est pas ici perçue comme un nouvel élan.
Nous constatons alors l’impasse, tant sur le plan écologique que sur le plan social, dans laquelle nous mènent ces deux grands imaginaires en confrontation. En tant que communicant ou acteur du milieu culturel, vous avez donc l’opportunité de participer au renouvellement de nos imaginaires à travers la création de nouveaux récits inspirants et mobilisateurs, qui nous projettent dans un futur à la fois soutenable et désirable pour le plus grand nombre.