Le rôle clé des communicants et acteurs culturels
Pour réussir les transitions écologiques et sociales, il s’avère donc nécessaire de proposer d’autres imaginaires souhaitables et de nouveaux récits écologiques inspirants et mobilisateurs. Face à l’impasse, un contre-récit doit donc émerger : celui de la sobriété désirable et de la résilience solidaire.
Ce récit doit pouvoir montrer qu’il est possible de vivre et de s’épanouir autrement qu’à travers le consumérisme, qu’il existe d’autres manières d’être heureux, de les rendre désirables et porteuses de sens. Il doit pouvoir donner à voir ce que pourrait être une société socialement plus juste et solidaire, plus respectueuse du vivant, de sorte à la faire advenir dans le monde réel. Ce nouveau récit, à mi-chemin entre réalisme et fiction, utopie et dystopie, qui inclurait à la fois la mort et la vie comme un équilibre dynamique, doit permettre de réenchanter le monde vécu, de susciter de l’émerveillement et de donner envie d’agir pour relever ces défis.
En véhiculant de nouvelles valeurs (comme l’entraide, le partage, le don…) et des normes sociales vertueuses (le fait-maison, la permaculture, le faire-ensemble…), l’émergence d’un tel récit permettrait de modifier nos représentations et nos perceptions du monde, et donc de faciliter les changements de comportements individuels et collectifs.
Il ne s’agit pas pour la communication d’occulter les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, mais plutôt d’en parler de manière sincère et transparente, de montrer qu’il s’agit d’une transformation qui s’inscrit dans la durée mais qui reste pour autant possible et surtout désirable. L’enjeu est de parvenir à renverser la valeur symbolique que nous attribuons aux gestes et aux choses : se déplacer à vélo est-il sexy ? cultiver ses légumes est-il prestigieux ? la création de solidarités est-elle socialement reconnue ? Cela montre bien le rôle clé que vous pouvez jouer dans l’évolution de nos sociétés.
TROIS QUESTIONS À
Julie Langlade et Marie-Hélène Gondre Vidalinc
Cofondatrices de Pic&Pick, la 1ère banque d'images française et solidaire
Pourquoi avez-vous créé Pic for change ? Quelles ont été vos motivations ?
En réponse à la crise sanitaire, les entreprises ont accéléré leurs stratégies RSE et pour soutenir et illustrer leur raison d’être et leurs engagements, elles peinent à trouver sur les banques d’images des photos qui ne soient pas banalisées, interchangeables, décalées culturellement et surtout chargées de stéréotypes !
Parce que nous sommes convaincues du pouvoir des images pour éduquer et transformer les regards, nous avons fait appel à la créativité des photographes en initiant la première édition du PicForChange. Nous leur avons demandé de réinventer les représentations de la mixité, de l’identité sexuelle, du handicap, de la protection de notre environnement… nous avons reçu plus de 2 000 photos dont beaucoup se sont révélées être encore trop stéréotypées. Ce constat a renforcé notre désir d’accompagner les entreprises et les agences de communication dans la déconstruction des stéréotypes, étape incontournable pour encourager les photographes à proposer ces nouvelles représentations et ainsi transformer notre façon de voir et de comprendre le monde qui nous entoure.
Les images peuvent-elles mobiliser sur les enjeux de transitions ? En quoi les communicants ont un rôle clé à jouer ?
C’est une évidence, les images non seulement nous racontent des histoires et provoquent en nous des émotions mais elles ont aussi un fort pouvoir pédagogique et d’influence sur nos comportements.
Aujourd’hui, il ne suffit plus de nous montrer une nature sublimée en disant qu’il faut la protéger et la préserver en ne donnant aucun enseignement sur ce qu’il faut faire et comment le faire. Il est aussi dangereux de communiquer avec des images conceptuelles totalement déshumanisées qui empruntent tous les codes de la science-fiction et nous laissent à penser que nous avons le temps de nous préoccuper du sujet ou encore de créer un effet de rejet avec des images dramatiques et catastrophistes qui découragent notre envie d’agir.
Pour nous mobiliser sur les enjeux de transition et influencer nos comportements et nos actes, les images peuvent nous aider à nous situer dans l’écosystème en nous enseignant de façon positive comment faire pour agir.
Alors oui, les communicants ont un rôle clé à jouer en choisissant de communiquer autrement.
Comment faire évoluer les images proposées de manière à renouveler nos imaginaires et les affects associés ?
Pour faire évoluer les images et renouveler nos imaginaires il est indispensable de passer par l’étape de la déconstruction des représentations existantes. C’est pourquoi nous avons conçu “IconoClash“, un exercice de décodage des stéréotypes et de prise de conscience de leurs impacts sur nos comportements. Nous avons élaboré avec Benoite Aubé, Docteur en neuroscience chez Cogx et Paul Henri Moinet, Planneur Stratégique publicitaire, des critères de lecture des images. Ces critères agissent comme un décodeur qui non seulement nous donne à voir ce que nous ne voyons pas forcément au premier regard pour éliminer les clichés mais surtout nous donne la direction à suivre pour réinventer avec les Pic’gramers, photographes de la communauté de Pic&Pick, les représentations de la biodiversité, des énergies renouvelables, des mobilités durables mais aussi de la diversité des corps, des âges, du ou des handicaps…