Quelle histoire avons-nous besoin de raconter aujourd’hui pour accompagner la transformation écologique et sociale de nos sociétés ?
Je ne parlerais pas d’histoire. Le mot est trop empreint de sens négatifs. Raconter des histoires c’est baratiner au pire, enjoliver au mieux. Il s’agit plus de donner du sens, de partager des faits et de savoir raconter un scénario possible, crédible, d’un avenir commun. Aujourd’hui, nous avons la matière pour cela. Les scientifiques ont établi des consensus sur les raisons du dérèglement climatique et de l’effondrement des équilibres environnementaux. Les solutions sont connues, souvent chiffrées en termes d’investissements, mais nous achoppons toujours sur notre capacité à mobiliser l’envie d’agir collective et individuelle.
On a beaucoup écrit sur l’humain, être de culture, être de récit. Le terme de récit s’est imposé dans le débat écologique comme l’outil manquant à notre humanité pour comprendre et appréhender les changements de comportement à opérer pour préserver le monde du vivant qui nous héberge, nous nourrit et nous guérit et dont nous sommes une part agissante. Ce sont les récits qui donnent, chez nous, humains, un sens à l’action. Les récits, construits et transmis dans toutes nos sociétés humaines, ont porté le développement des civilisations, leurs moteurs d’explorations et de conquêtes (bonnes ou mauvaises). Ils ont mobilisé des énergies insensées (Il en faut pour construire une pyramide ou aligner des monolithes !).
« Nous savons, aujourd’hui, combien les freins culturels, cognitifs, sociaux, politiques ne pourront être levés qu’en trouvant les bons mots, un langage commun, qui sachent donner une perspective, dessiner un chemin pour aller là où tout le monde souhaite aller : un cadre de vie protégé, sûr et accessible à toutes et tous. »

À qui s’adresse-t-on ? Comment évite-t-on le prêche aux convaincus ?
À tout le monde ! C’est ce qui rend l’exercice complexe car nous ne partageons pas les mêmes filtres d’interprétation. Nous ne sommes pas égaux face à la crise écologique et sociale. Les arbitrages économiques prennent souvent le dessus et la contrainte financière s’impose pour beaucoup. Par ailleurs, des groupes d’intérêts économiques ou politiques instrumentalisent le débat et cherchent, pour nombre d’entre-deux, à disqualifier la science ou à combattre les politiques publiques les plus ambitieuses.
Il nous faut donc chercher à rendre les informations accessibles et proposer aux différents publics des messages qui leur soient utiles. L’écueil le plus sérieux est de ne pas s’enfermer dans un discours jargonneux et d’éviter les injonctions culpabilisantes. Nous devons expliquer, donner à voir, raconter, tout ce que nous avons à gagner collectivement en changeant nos modes de production et de consommation. Et évidemment, quitter la bulle des convaincus pour chercher à embarquer le plus grand nombre.
Quel rôle les ONG peuvent-elles jouer dans la diffusion de ces récits ?
Les ONGs ont une place singulière car elles sont indépendantes et développent leur propre champ de compétence. De toutes tailles, nationales ou internationales, elles défendent leurs missions et définissent leurs moyens d’actions. Elles participent à la pluralité du débat public. À la Fondation pour la Nature et l’Homme, nous sommes convaincus qu’il nous faut sans cesse nous appuyer sur la science. Les scientifiques ont beaucoup à nous apprendre. À nous de traduire ces expertises en propositions vers les décideurs politiques et économiques et vers les citoyens qui cherchent à comprendre comment participer, à leur place, à des modes de vie plus écologiques et plus solidaires.
Nous travaillons avec des entreprises, des collectivités, des organisations publiques pour coconstruire des études et des propositions d’actions que nous mettons à disposition du plus grand nombre. À notre place, nous aussi, nous veillons à contribuer à cette belle histoire (voilà j’ose le mot), celle qui, à rebours des récits postapocalyptiques dont on nous a abreuvés, donnent véritablement envie d’agir.
Autres paroles d'experts :
Valérie Zoydo - Les nouveaux récits
Trois questions à Valérie Zoydo, auteure et réalisatrice de films engagés, co-fondatrice du collectif de scénaristes Atmosphères.

Julien Rodrigues - Muttersholtz, le récit d’une commune en transition
Quatre questions à Julien Rodrigues, secrétaire général de la collectivité.

Benoît Thévard - La mise en récits, un outil pour la transition écologique dans les quartiers prioritaires
Quatre questions à Benoît Thévard, membre de la Coopérative d'Activités et d'Emploi (CAE) Artéfacts et Chef de projet à La Fabrique des Transitions.
