Depuis plusieurs années, la commune de Muttersholtz dans le Bas-Rhin en Alsace impulse différentes initiatives en faveur des transitions sociales et écologiques. Véritable laboratoire des transitions, Muttersholtz est devenue capitale française de la biodiversité en 2017 et territoire à énergie positive (TEPOS). Avec Julien Rodrigues, secrétaire général de la collectivité, nous revenons sur le récit inspirant de Muttersholtz.
Comment la commune de Muttersholtz est-elle venue à s’intéresser à la notion de mise en récit ?
Nous sommes engagés dans des trajectoires de transitions depuis un certain temps, notamment avec des actions en faveur de la biodiversité impulsées depuis une cinquantaine d’années avec la Maison de la Nature. Lors du mandat précédent (2014-2020), nous avons initié plusieurs actions pour prendre en main les enjeux énergétiques puis déployé plusieurs initiatives pour faciliter le changement de comportements et l’engagement citoyen. Mais malgré ces efforts, on constate toujours des limites pour impliquer l’ensemble des habitants. Comment remédier au phénomène de déterritorialisation et ne pas toucher toujours les mêmes personnes convaincues ? C’est ainsi que s’est révélé le potentiel du récit territorial pour retrouver des attachements au territoire et pour que chacun puisse se saisir de ces enjeux dans son quotidien.
Mais comment impliquer dans le temps les habitants dans ce récit territorial ?
Il est important d’ancrer notre récit dans notre histoire et dans le temps, et cela notamment à travers des événements et rituels annuels comme l’« Osterputz » de Muttersholtz (qui est un nettoyage de printemps pour « aider la nature à retrouver sa splendeur » en participant au ramassage des déchets oubliés ou apportés par les inondations hivernales) ou l’atelier jus de pomme (qui permet de préserver les vergers alentours par la production locale et familiale de jus de pomme ou de miel). Il s’agit aussi par exemple au niveau de l’éducation de ne pas seulement proposer des activités ponctuelles qui iraient dans ce sens, mais bien une série d’initiatives qui vont de la maternelle au collège pour éveiller la sensibilité de chaque nouvelle génération.
Comment souhaitez-vous justement éveiller la sensibilité de la population locale sur ces enjeux ?
Nous proposons également depuis 2016 des balades sensorielles avec « SensoRied », le sentier pieds nus de Muttersholtz sur 1,5 km, gratuit et accessible à tous, pour découvrir et comprendre les prairies préservées du Ried, son histoire, sa biodiversité et ses paysages. L’art du conte est aussi beaucoup présent dans la région et est aussi mobilisé à des fins pédagogiques, à commencer par le Maire, notamment pour parler de sobriété sans en prononcer le mot.
Quels sont les autres projets qui vont en ce sens ?
Pour mobiliser tout le monde dans une dynamique collective, nous avons aujourd’hui plusieurs projets autour de la mise en récit de la transition de Muttersholtz. Par exemple en début 2023 nous avons inaugurés l’ouverture de la salle Synergies, une ancienne Synagogue qui a été rénovée pour devenir un espace culturel et sportif accueillant les différentes manifestations du village. Ce lieu est également propice à des temps de rencontre avec le public ainsi qu’aux artistes qui viennent en résidence de création. Deux parcours complets de résidence artistique ont d’ailleurs déjà été organisés avec l’association locale La Cuisine (un café associatif qui facilite l’organisation d’initiatives collectives en faveur des transitions et qui héberge notamment les artistes). Notre intention pour les mois à venir est d’accueillir d’autres artistes sur un temps plus long pour qu’ils s’imprègnent de tout l’écosystème de la commune (en dialoguant avec les habitants, les élus, la Maison de la Nature, en observant les milieux vivants…) et qu’ils puissent proposer des œuvres qui résonnent avec les spécificités du territoire, afin de parler au plus grand nombre et montrer que chacun peut devenir acteur de cette histoire.