Olivier Covo : De nouveaux récits musicaux avec Mangroove Music

Trois questions à Olivier Covo, fondateur de Mangroove Music, le label musical à impact social et écologique.

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Publié le 12/12/2023

Mangroove Music est un incubateur de récits à impact positif. La musique, la science et l’écologie se conjuguent pour protéger le vivant, éveiller les consciences et agir. Maison de musique et fabrique éditoriale, Mangroove Music mixe les savoirs et exploite le pouvoir de la musique et du son pour passer du récit à l’action, en produisant des récits incarnés par des projets sur le terrain en collaboration avec des associations. Le label développe des dispositifs éditoriaux complets (clips, podcast, capsules vidéo, documentaires, ateliers, concerts, livres…) afin de faire la pédagogie des actions qui sont menées. Chaque dispositif aide à financer les associations soutenues. Mangroove Music amplifie, avec la musique des émotions, la relation que nous entretenons à tous les Vivants.

 

Quel est le rôle de la culture et plus particulièrement du secteur musical pour engager la métamorphose de nos sociétés ? Quelles sont les intentions de Mangroove Music en ce sens ?

Aujourd’hui, les récits du rêve américain et du techno-solutionnisme ont clairement colonisé nos imaginaires. En réaction, on peut observer ces dernières années l’émergence de contre-récits comme celui de la sobriété heureuse, mais qui restent encore trop souvent anthropocentrés. Avec Mangroove Music, nous souhaitons nous inscrire dans un nouveau récit du vivant qui épouse la complexité du monde. Or les mots semblent parfois insuffisants pour appréhender cette complexité, et c’est justement ici que le langage universel de la musique peut s’avérer si précieux. Car la musique a le pouvoir de rendre visible l’invisible en étant un médium très puissant pour stimuler l’imaginaire. Elle peut nous aider à mieux ressentir le monde pour commencer à entendre ce qu’il a à nous dire. Pourtant, l’industrie musicale a encore souvent tendance à maintenir le statu-quo en se focalisant sur des préoccupations à court terme. En mobilisant des narratifs issus des interrelations avec le monde vivant, nous pensons au contraire qu’il est possible d’avoir un fort impact sociétal en modifiant les manières dont les communautés humaines appréhendent le monde et les organisations, pour se réharmoniser avec le réel tout en plantant du beau dans le cœur de chacun. C’est ce que nous avons fait par exemple avec Deep Ocean, le premier opus du programme One Song One Ocean, qui retrace en trois temps une conversation musicale entre Eric Mouquet (Deep Forest), DeLaurentis et les cachalots. Ainsi, Mangroove Music se veut être un incubateur de récits où l’on va créer un espace hybride mixant les arts, la science et l’écologie, en nourrissant les artistes dans leur cheminement intérieur. 

 

Justement, comment accompagnez-vous les artistes dans leur cheminement intérieur pour qu’ils puissent s’engager à travers leurs créations ? 

Un récit ne peut être transformatif que s’il est incarné, c’est pourquoi il est d’abord nécessaire que les artistes s’emparent des causes qui résonnent en eux. Pour cela, nous créons des rencontres et organisons des résidences mixant les arts et les sciences du vivant afin de proposer aux artistes un espace pour qu’ils (re)pensent le monde. Cela se fait par des conversations, des rencontres et des expériences. Par exemple, pour un autre sujet sur l’enracinement, la rencontre entre VickyR et Assossa, chamane Puvi-Pygmée et maitre Nganga gabonais, a permis à l’artiste de rencontrer une dimension d’un vécu qui était invisible à nos yeux mais qui se ressent dans la musique. Quelque chose de presque mystique mais c’est du RAP ! Ainsi nous laissons émerger les sujets naturellement dans la discussion, sans imposer de thématiques, en fonction du vécu et des sensibilités des artistes, pour ensuite composer des œuvres inédites dont les bénéfices viendront en soutien d’associations de terrain, comme pour longitude 181 qui œuvre pour la protection et la réconciliation avec l’océan. Tout le processus de création est ensuite retranscrit dans un mini-documentaire et un podcast associé. On entre alors vraiment dans une démarche d’acculturation, qui consiste à passer de la culture à l’action, en créant des œuvres engageantes pour les artistes et les publics. 

 

Mais comment créer des œuvres réellement engageantes ? Pourquoi est-ce important de les prolonger dans le réel ? 

Notre enjeu est de créer des « âmes-sons », c’est-à-dire d’imaginer des œuvres musicales qui peuvent à la fois nous éveiller à des causes grâce à leur esthétique, tout en faisant de la pédagogie sans donner de leçons, et surtout en passant concrètement à l’action via des projets de terrain. Il s’agit d’une part d’écoconcevoir nos productions de manière à limiter le plus possible notre empreinte écologique, et d’autre part d’immerger des artistes influents qui transmettront par la suite au plus grand nombre des émotions en faveur de causes importantes. C’est que nous avons notamment réalisé dans le cadre du programme « One Song One Forest » avec le morceau Tous Vivants, interprété par Oumou Sangaré et Youssoupha, dont les bénéfices permettent de participer à la restauration des écosystèmes de mangroves en Afrique de l’Ouest en lien direct avec les communautés locales, tout en éveillant le public à ces enjeux. Nous sommes vraiment ici dans une idée de transmission artistique et de réconciliation générationnelle, avec une expérience qui est incarnée, tant intérieurement que dans les territoires, et qui sera ensuite partagée à travers tout un dispositif de contenus : clip, podcast, mini-documentaire, contenu additionnel sur les réseaux sociaux, médias, etc. 

 

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