Le défi de la publicité responsable

La filière publicitaire subit depuis 2020 de nombreuses pressions exercées par divers corps sociaux : études et rapports d’ONG, tribunes dans la presse, critiques virulentes sur les réseaux sociaux….

Nous sommes face à un vrai débat sur la place et le rôle de la publicité dans notre société. Le défi est gigantesque : se transformer en profondeur pour éviter un rejet massif et une sévère régulation des messages et des modalités publicitaires. 

Les acteurs de la filière publicité (annonceurs, agences, régies publicitaires, médias, régulateurs…) disposent de différents leviers dont les principaux sont présentés dans cette rubrique. S’ils sont actionnés avec sincérité, ils pourraient rendre la publicité plus responsable et lui donner les moyens de peser en faveur de la transition écologique. 

Les leviers de la publicité responsable

Les leviers de la publicité responsable

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Communication et publicité responsables : le rôle des professionnels du secteur

 

TROIS QUESTIONS À 

Gildas BONNEL

Président de Sidièse,

Président de la Commission RSE de l’Association
des agences-conseils en communication (AACC)

Administrateur de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP)

 

Le secteur de la communication et de la publicité est souvent associé au modèle économique dominant, synonyme d’épuisement des ressources, de gaspillage et d’inégalités. Comment réagissez-vous face à ces critiques ?

Nos métiers sont étroitement liés à la croissance des activités marchandes, au développement des entreprises et de leur business. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt. Lorsque la publicité accélère le succès d’un produit ou d’un service aux impacts environnementaux négatifs, nous participons, collectivement, à la détérioration des écosystèmes. Mais quand nous travaillons à la promotion d’offres plus vertueuses au regard des offres existantes ou que nous valorisons certains critères d’amélioration des usages, alors nous sommes, nous aussi, acteurs de la transition écologique. Je ne fais pas de dialectique en disant cela, je défends des métiers qui sont utiles quand ils servent des modèles et des comportements positifs. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain ! Mais encore faut-il, et on en parle ici, que le secteur de la publicité et des médias intègre ces mesures d’impact. Par ailleurs, nous sommes un miroir de notre société et devons être exemplaires pour être utiles économiquement mais aussi sociétalement (je pense, ici, aux représentations que nous véhiculons).


Face au chantier de la transition écologique et énergétique, et dans un paysage de la communication complètement transformé, quel pourrait être le rôle des agences-conseils et des professionnels ? Comment repenser la mission de la communication ?

Merci pour cette question positive ! Nous sommes au service de nos clients et de la société. Notre métier est de mettre en lumière, de faire savoir et de faire adopter. La transition écologique a terriblement besoin d’une communication efficace, à l’écoute des publics, de leurs doutes et de leurs niveaux de maturité sur les sujets environnementaux. On ne parle pas à un public monolithe. Chaque groupe social doit être adressé selon ses attentes, ses freins au changement, ses angles d’intérêt spécifiques. Nos agences ont une grande connaissance des consommateurs-citoyens et de ce qui influence leurs choix. Bien formées aux enjeux écologiques, elles deviennent des alliés essentiels pour accompagner les critères de choix et de changements de comportements de nos concitoyens. Je pense que la communication environnementale doit être avant tout une communication de réponses. Elle doit écouter, capter les doutes et les attentes des publics et nourrir la réflexion de chacun dans sa transition. Répondre, c’est RESPONDERE en latin. Une communication RESPONSABLE en fait !

La filière communication a pris des engagements sur le climat ; où en est le secteur, les agences en particulier ?

Le secteur de la communication n’est pas hors-sol. Nous sommes dans la société et tentons comme tout le monde de contribuer à l’urgente nécessité de diminuer notre impact climatique. Nous avons pris des engagements très clairs de mesurer et piloter une trajectoire carbone cohérente avec l’Accord de Paris. Faire la photographie de nos émissions n’a de sens que si elle nourrit une véritable stratégie de diminution. C’est compliqué car nous sommes une filière très hétérogène et les professionnels ont des impacts entremêlés. La première étape est de nous accorder sur un référentiel commun pour que les agences, les régies, les médias prennent en compte les mêmes critères de calcul. Nous travaillons au sein de la filière pour que les annonceurs et les parties prenantes puissent avoir accès tout à la fois à ces modes de calcul et que nos entreprises puissent publier leurs résultats et le suivi de la trajectoire de diminution sur laquelle elles se seront engagées.

La réduction de la pression publicitaire

La réduction de la pression publicitaire

Une publicité plus responsable commence par une réduction de la pression publicitaire exercée quotidiennement sur les citoyens, dans toutes les facettes de leur vie quotidienne.

Pourtant, les injonctions contradictoires font rage : les Français sont invités à réduire leur empreinte écologique mais, en même temps, ils sont bombardés de messages publicitaires qui les poussent à consommer davantage et qui promeuvent l’imaginaire du bonheur à travers la possession de biens. 

En réduisant la publicité, on agit sur l’un des leviers majeurs d’évolution des comportements des consommateurs, et on reconnaît ainsi le rôle de la publicité sur nos imaginaires !

La réduction de l’affichage publicitaire dans certaines villes

Plusieurs collectivités ont pris des dispositions pour réduire l’affichage extérieur. Grenoble a ainsi été la première ville européenne à supprimer l’affichage publicitaire en 2014. D’autre part, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 prévoit dans son article 17 la décentralisation de la police de la publicité à compter du 1er janvier 2024. Les maires pourront ainsi assurer la police de la publicité sur leur territoire.


Le passage du « Stop Pub » au « Oui Pub »

Selon une enquête ADEME, en 2020, plus de 670 500 tonnes d’imprimés publicitaires non adressés ont été distribués, dont une part significative a été jetée sans avoir été lue. C’est pourquoi, l’article 21 de la loi Climat et résilience lance l’expérimentation du dispositif « Oui Pub » visant à restreindre pour une durée de trois ans la distribution d'imprimés publicitaires non adressés aux seuls ménages ayant explicitement indiqué de manière visible sur la boîte aux lettres leur volonté de les recevoir.

Quatorze collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales prendront part à cette expérimentation entre 2022 et 2025.


L’actualisation du référentiel Digital Ad Trust 

Pour la publicité digitale, le label « Digital Ad Trust » a été lancé par l’interprofession en 2017 et actualisé en mars 2021. Il est fondé sur un indicateur composite couvrant six grandes dimensions clés : la Brand Safety by design, la visibilité, la fraude, l’expérience utilisateur, l’encombrement publicitaire et le respect des données personnelles.
Au printemps 2022, les grands médias on line étaient labellisés (TF1 Info, France TV, Le Parisien, BFM TV, RTL, My Canal…), des magazines (Elle, Gala, Femme actuelle…) et des pure players (Fnac, Doctissimo, déco.fr…). Les grandes plateformes américaines sont les grandes absentes bien qu’elles concentrent la majorité des investissements publicitaires. 

Pour en savoir plus sur le label « Digital Ad Trust ».

L’encadrement des messages publicitaires

L’encadrement des messages publicitaires

La recommandation Développement Durable de l'ARPP

En tant que publicitaire, vous pouvez déjà vous référer à la recommandation Développement Durable de l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) . Elle fixe des règles déontologiques qui s’appliquent aux annonceurs et aux agences lorsqu’ils utilisent un argument écologique ou font référence aux enjeux de transition écologique.

La loi AGEC et la loi Climat et Résilience

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) et la loi Climat et résilience comportent quant à elles des dispositions qui encadrent, voire interdisent certaines allégations environnementales.

En savoir plus sur la loi AGEC

En savoir plus sur la loi Climat et résilience

Et au niveau européen, le 29 mars 2022 fera date puisque la Commission européenne a annoncé ce jour sa volonté de renforcer « la protection des consommateurs contre les allégations environnementales peu fiables ou fausses, en interdisant l’écoblanchiment et les pratiques qui induisent les consommateurs en erreur quant à la durabilité d’un pro¬duit ». Cela va se traduire par une modification de deux directives européennes – l’une relative aux droits des consommateurs et l’autre consacrée aux pratiques commerciales déloyales.

En savoir plus

Vous pouvez également vous appuyer sur d’autres ressources : 

Les recommandations de l’ADEME sur la communication climatique des organisations

 
« Territoire neutre en carbone », « marque certifiée neutre en carbone », « gamme clima¬tiquement neutre », « service zéro carbone », « neutralité carbone à vie », « produit zéro carbone », « événement neutre en CO2 »… les arguments de neutralité se multiplient dans les communications des organisations. 


Dans un avis d’experts publié début 2022, l’ADEME rappelle que ces arguments peuvent tromper le public, freiner des changements de comportements et provoquer des effets rebond négatifs. Ils empêchent aussi de mettre en avant les acteurs qui font preuve de sincérité et s’investissent réellement pour le climat. Enfin, leur utilisation expose les organisations à des risques de controverse et, à partir du 1er janvier 2023, à des risques juridiques (cf. article 12 loi Climat et résilience et article L.121-2 à L 121-5 du Code de la consommation). 

Par conséquent, l’ADEME recommande à tous les acteurs, du secteur privé comme du secteur public et non marchand, de s’engager dans une démarche de communication responsable : 

  • se défaire de l’approche purement arithmétique de la neutralité et ne pas focaliser sa communication sur la prétendue neutralité de son territoire, activité, produit ou service ;
  • communiquer de façon transparente, proportionnée et distincte sur les différents leviers de contribution à la neutralité carbone collective, en particulier la réduction massive de son empreinte carbone et le financement de projets de compensation. 

Les contrats climat

Les contrats climat

Les contrats climat sont un dispositif prévu par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021

Ils visent à réduire le volume de communications commerciales relatives à des produits ou des services ayant un impact négatif sur l’environnement, mais aussi à favoriser la transparence de la publicité et l’engagement des annonceurs, médias, plateformes, agences et régies pour la transition écologique. 

Les contrats climat s’articulent autour de 5 axes thématiques et sont le fruit d’une réflexion menée avec l’ensemble des parties prenantes du secteur de la publicité : ce que nous mesurons, ce que nous produisons, ce que nous promouvons, ce que nous contrôlons, ce à quoi nous sensibilisons.

Un bilan sur l’efficacité des contrats climat sera remis par le Gouvernement au Parlement à l’été 2023 (article 14 de la loi Climat & Résilience).

Chaque contrat climat doit être déposé sur la plateforme : www.publicite-responsable.ecologie.gouv.fr

L’obligation de déclaration sur la plateforme s’applique aux importateurs, aux distributeurs ou autres metteurs sur le marché des biens et services répondant aux deux critères suivants :

  • les biens et services sont soumis à un affichage environnemental obligatoire ou à une étiquette énergie obligatoire ou à une étiquette CO2 obligatoire ; 
     
  • les dépenses publicitaires nettes enregistrées au cours du dernier exercice comptable sont égales ou supérieures à 100 000 euros.

Le dispositif repose sur le principe de l’exposition publique. Faire un contrat climat est volontaire, mais la décision de l’entreprise et le contenu du contrat seront rendus publics. Les entreprises soumises à l’obligation de déclaration sur la plateforme qui ne souscriront pas à un contrat climat seront exposées publiquement par les pouvoirs publics.
 

Les contrats se divisent en deux parties : 

  • Une partie transversale « socle » qui concerne les engagements généraux de l’ensemble des signataires d’un contrat climat, quel que soit leur métier ou secteur d’activité ainsi que des engagements spécifiques à certaines organisations (ARPP, Union des marques, Filière Communication). 
     
  • Une partie sectorielle qui concerne les engagements propres aux différents secteurs d’activité et sont répartis selon 5 axes prédéfinis (dont un relatif à des engagements « autres », permettant à chaque organisation de valoriser ses propres engagements et indicateurs complémentaires).


Réduire le volume de publicités relatives à des produits ou des services ayant un impact négatif sur l’environnement

Les produits et services mis en avant dans vos publicités sont-ils particulièrement polluants ou ont-ils fait l’objet d’une démarche de réduction de leurs impacts tout au long de leur cycle de vie ? Sont-ils porteurs d’un label environnemental reconnu ?

L’objectif étant d’orienter le choix des consommateurs vers les produits et services à plus faible impact et pour inciter les metteurs sur le marché à transformer leur offre. 

Dans cette logique, plusieurs régies ont développé de nouvelles offres publicitaires appelées ÉcoRespons’Ad chez TF1 Pub, Green Spirit chez France TV Publicité… Il s’agit d’écrans privilégiés conçus comme des repères pour le public, pour valoriser les produits à moindre impact sur l’environnement. 

Dans ce cadre, l’ADEME a a développé un cahier des charges (régulièrement révisé), sur lequel s’appuie les régies publicitaires avec lesquelles elle est en partenariat, pour sélectionner les produits et services concernés.

Consulter le cahier des charges.

Promouvoir des modes de vie et des comportements plus soutenables

Au-delà de la nature des biens et services promus, les publicités incarnent parfois des modes de vie souvent incompatibles avec la transition écologique. 

En tant que publicitaire vous pouvez contribuer à la représentation d’une nouvelle société de consommation respectueuse de l’environnement et de nouvelles normes éthiques. 

Mesurer et réduire les impacts lors de la production et la diffusion des pubs

Comme toute réalisation audiovisuelle ou print, la production d’un spot publicitaire ou d’une affiche génère un certain nombre d’impacts environnementaux et sociaux liés aux déplacements des équipes et du matériel, au tournage ou à l’impression, aux consommations énergétiques, à la postproduction…

En tant que publicitaire, il est de votre rôle de les identifier, dans une approche « cycle de vie », et de les réduire. 

Sensibiliser et former les équipes 

Les enjeux écologiques et RSE restent encore aujourd’hui généralement méconnus des acteurs de la filière publicité, bien qu’ils fassent partie des éléments clés d’avenir.

En tant que communicant, vous pouvez sensibiliser les décisionnaires de votre entreprise aux enjeux de la publicité responsable comme levier de transformation de leur propre entreprise et de la société en général. 

Outils et bonnes pratiques

 

Le référentiel de calcul carbone élaboré par l’AACC 

Depuis le début de l’année 2022 un référentiel de calcul carbone est en libre accès pour toutes les agences afin d’accompagner la profession dans la mesure de son empreinte carbone. 

En savoir plus sur le référentiel de l'AACC

 

La Fresque de la publicité

Sur le principe de la « Fresque du climat », l’atelier collaboratif la « Fresque de la publicité » permet de comprendre l’essentiel des enjeux socio-économiques et environnementaux de ce secteur professionnel particulier, pour passer à l’action. 

En savoir plus sur la « Fresque de la publicité ».

Les Bilans « Publicité & Environnement » ADEME / ARPP

Les Bilans « Publicité & Environnement » ADEME / ARPP

Issu d’un travail conjoint entre l’ADEME et l’ARPP, les Bilans d’application de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP résultent de l’examen de publicités, sur les bannières web, les insertions presse, l’affichage national, les posts Facebook et, élargi depuis 2019 aux films publicitaires diffusés sur la plateforme YouTube.

Depuis le premier bilan co-produit par l’ARPP et l’ADEME en 2008, les enseignements ont permis dans un premier temps un renforcement des règles déontologiques, puis en 2009, la publication de la version de la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP portée par le premier avis du Conseil paritaire de la publicité auprès duquel tous les bilans sont présentés avant d’être rendus publics. Depuis, ce texte de référence a évolué régulièrement et sa dernière version est entrée en application au 1er août 2020.

Témoin d’une démarche pérenne et volontaire de la part des professionnels de la publicité, ce Bilan est conçu, depuis son origine, dans un esprit constructif et pédagogique visant à travailler sur des réalités concrètes et mieux appréhender et pointer les précautions nécessaires pour des publicités utilisant des arguments environnementaux au sens large.

La continuité dans le temps des Bilans « Publicité & Environnement » – dont l’objectif majeur partagé avec l’ADEME est d’être un outil de formation et opérationnel essentiel – permet de rester vigilants sur l’évolution du traitement publicitaire de l’argument environnemental dans la publicité.

Pour aller plus loin