La bataille des imaginaires

En intégrant à la fois des dimensions rationnelles et émotionnelles, les récits permettent alors d’infuser des imaginaires pour mener à bien des projets collectifs. Or l’imaginaire et la culture moderne impulsent des modes de vies qui vont à l’encontre des principes du vivant.

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Crise de la culture, crise de l’imaginaire

Les crises écologiques et sociales que nous traversons sont avant tout des crises de la culture, et donc de l’imaginaire. Car l’imaginaire est précisément ce qui constitue les fondements des cultures humaines.

C’est en effet par sa capacité à imaginer et à partager collectivement les produits de son imagination (à travers des mythes, des récits ou des symboles), que les êtres humains peuvent coopérer pour matérialiser des projets et former des sociétés.

En intégrant à la fois des dimensions rationnelles et émotionnelles, les récits permettent alors d’infuser des imaginaires et de nous mettre en mouvement pour mener à bien des projets collectifs. C’est pourquoi les artistes, penseurs et créatifs ont toujours eu une importance cruciale dans les groupes humains. Par leur capacité à nous partager d’autres visions du monde, à ouvrir le champ des possibles, ils peuvent nous inspirer et nous fédérer autour de désirs et projets collectifs.

Aujourd’hui, l’imaginaire et la culture moderne favorisent cependant des modes de vie qui vont à l’encontre des principes du vivant et mettent en péril l’habitabilité de la planète.

Des imaginaires en confrontation

Aujourd’hui, deux régimes d’imaginaires se confrontent : l’imaginaire « illimitiste» associé à la croissance infinie et celui de l’effondrement associé à la décroissance.

L’imaginaire illimitiste

Le premier peut prendre forme dans le récit consumériste (« je consomme donc je suis »), qui considère la consommation comme la clé du bonheur, bien souvent au détriment des écosystèmes et de la dignité humaine. Les études les plus sérieuses sur ce sujet démontrent pourtant que la qualité de nos relations sociales est en réalité le premier facteur de notre bonheur[1]. Cet imaginaire est aussi nourri par les récits de la croissance infinie, du progrès et du « techno-solutionnisme », croyance par laquelle la technique permettra de résoudre les crises planétaires (« on n’arrête pas le progrès », « les solutions techniques vont nous sauver »). Pourtant, l’effet rebond nous montre que la réduction de l’empreinte négative sur l’environnement d’un produit ou service grâce à un progrès technique est toujours partiellement ou complètement compensée par l’augmentation de son utilisation. Par exemple, l’acquisition d’une voiture moins polluante peut inciter le consommateur à conduire davantage, et donc finalement polluer plus. 

Cependant, nous avons du mal à voir au-delà de l’histoire qu’on se raconte, à percevoir d’autres chemins possibles. Nous sommes comme prisonniers des récits actuels, qui nous maintiennent dans une forme d’inaction. Malgré ces difficultés et face aux nouvelles réalités qui se présentent à nous, un autre grand imaginaire émerge depuis plusieurs décennies : celui de l’effondrement et de la décroissance.

L’imaginaire de l’effondrement

Face à la diminution des ressources, au dépassement des limites planétaires (concept défini par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre) et l’accroissement des inégalités, de nombreuses personnes prennent conscience de l’urgence de décroître nos consommations matérielles et de mieux répartir les richesses. Néanmoins, cette décroissance renvoie aujourd’hui à un imaginaire d’effondrement, qui promet un futur pour le moins apocalyptique et laisse présager la fin potentielle de l’humanité. Or, bien qu’il rende visible les limites de l’idéologie dominante, cet imaginaire inhibe et sidère une majeure partie de la population. En d’autres mots, il ne permet pas de mettre en mouvement l’ensemble de la société pour relever ces défis car la décroissance n’est pas ici perçue comme un nouvel élan.

Nous constatons alors l’impasse, tant sur le plan écologique que sur le plan social, dans laquelle nous mènent ces deux grands imaginaires en confrontation. En tant que communicant ou acteur du milieu culturel, vous avez donc l’opportunité de participer au renouvellement de nos imaginaires à travers la création de nouveaux récits inspirants et mobilisateurs, qui nous projettent dans un futur à la fois soutenable et désirable pour le plus grand nombre.

[1] Source 1 : https://dash.harvard.edu/bitstream/handle/1/13479076/15-021.pdf?sequence=1&isAllowed=y 
Source 2 : https://happiness-report.s3.amazonaws.com/2020/WHR20.pdf  (p. 23)

Comment faire évoluer nos imaginaires ?

Depuis un certain temps, on entend des appels à de nouveaux récits et de nouveaux imaginaires pour transformer nos sociétés, mais concrètement ça veut dire quoi ? A partir de la littérature existante, d’une quinzaine d’entretiens et d’expériences de terrain, le mémoire de recherche "Comment faire évoluer nos imaginaires" vise à mieux comprendre dans quelles conditions l’imaginaire pourrait nous aider à réussir les transitions systémiques : Suffit-il vraiment de partager de nouveaux récits inspirants pour changer nos modes de vie ? Comment éviter que ces derniers ne soient réappropriés dans des logiques marchandes ou de divertissement mais qu’ils transforment réellement nos rapports au monde et nos modes de pensée ? En quoi est-ce fondamental de transformer l’imaginaire dans le réel et d’en faire activement l’expérience ? Comment le faire perdurer dans le temps et l’inscrire dans notre quotidien ? Avec qui agir ? Et sur quoi doivent reposer ces nouveaux imaginaires ?


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